43 - Action & Progrès -
- L'action de l'homme peut-elle jouer en faveur du progrès collectif ou individuel ? -
I – LE CONTEXTE -
La philosophie de "L'Action" s'intéresse aux problèmes relatifs à l'activité humaine, sa nature, ses motivations, ses intentions, ses effets, ses explications. Dans l'examen de ce vaste domaine, intéressons-nous à la question du progrès, en ce qu'il peut trouver son origine dans "L'Action" de l'homme.
II – LES NOTIONS -
Le mot "Progrès", issu du latin progressus, désignait à l'origine l'avance d'une troupe militaire.
Eschyle (-460), dans "Prométhée enchaîné", attribue de manière mythique le progrès dans les techniques et les sciences, à Prométhée, ce Titan qui a apporté le feu aux hommes.
Sophocle, dans "Antigone" (vers 440 av. J.-C.), cherche l'origine du progrès dans le caractère inventif de l'esprit humain.
Pour les stoïciens, dès Zénon de Cition (-300), Posidonios d'Apamée, Sénèque, le progrès technique {non des connaissances, en tant que tel} est un danger pour la vie morale, son moteur étant l'amour du luxe et du plaisir.
En Europe de l'Ouest, les premières théorisations de l'aptitude humaine à progresser datent du XVI° siècle, au moment où s'affirment conjointement ses capacités techniques, propres, d'une part, à modifier son environnement, et d'autre part, à en conserver la mémoire, par l'imprimerie, tout d'abord, puis plus tardivement, la photographie, la phonographie, le film et l'actuelle synthèse de ces techniques que représentent les sciences & techniques de numérisation. Ainsi, pour Francis Bacon, le progrès humain est apparemment sans limites et, pour Montaigne "Ce qui était inconnu à un siècle, le siècle suivant l’a éclairci".
Concept central de la pensée des Lumières et des courants évolutionnistes, le progrès incarne la croyance dans le perfectionnement global et linéaire de l'humanité, la société en se développant devant évoluer vers un mieux-être : augmentation des richesses, amélioration des techniques au service de l'humanité, évolution corrélative des mœurs et des institutions, évolution de l'esprit...
Le progrès économique, tel qu'il apparaît par la suite au XIX° siècle repose à la fois sur l'idée de croissance, donnée quantitative, et d'efficacité, donnée qualitative, ce développement devant aller de pair avec le progrès social !
Cependant, dès le XX° siècle, Alfred Sauvy analysant l'impact du progrès technique sur la population active met en lumière une distinction entre les notions de "progrès processif" et de "progrès récessif", selon qu'il augmente ou diminue le nombre des emplois d'une société organisée autour du "Capital Travail".
III – DE L'ACTION DE L'HOMME & DU PROGRÈS -
Bien qu'il ait été partiellement occulté par la tradition métaphysique, plus spécifiquement par la Religion, il est constant que l'instinct primordial de l'Homme le tourne vers l'action avant de le tourner vers la contemplation.
Il est aisément admis que "Le Travail", en tant que matérialisation de "L'Action", est une dimension essentielle, constitutive de la nature humaine d'un point de vue strictement biologique ou physiologique, en ce qu'il permet à chacun de subvenir à ses besoins vitaux.
Mais, sous l'effet de la croissance exponentielle des connaissances, en s’organisant, se mécanisant, se diversifiant, se divisant, il s'est éloigné de l'homme, au point de prétendre pouvoir s'en affranchir !
Tant qu'il permet à l’homme de libérer en lui de nouvelles possibilités, "Le Progrès" n'est pas aliénant puisqu'il reste pour lui le moteur du développement de ses capacités cognitives et linguistiques, qu'il l'éloigne de ses nécessités vitales en ce qu'il ne rend plus immédiates.
Mais, cet accroissement des champs du savoir tend, par la spécialisation de plus en plus nécessaire pour maîtriser un domaine qui va en se rétrécissant, par le niveau sans cesse croissant des investissements nécessaires pour la recherche et le développement des outils, procédures et produits, élimine progressivement les possibilités-mêmes de l'initiative individuelle. La course au profit, qui se mesure par l'augmentation constante de la productivité, donne ainsi naissance à une croissance contre nature qui justifie les appels de plus en plus pressants à l'auto-limitation de la croissance, du travail, du niveau de vie, et justifie, pour certains, le retour à une vie simple.
IV – EN CONCLUSION -
Aussi, si dans un premier temps, "L'Action" de l'Homme a joué en faveur d'un progrès individuel, puis collectif lorsque se sont développées les sciences et techniques, y compris économiques et sociales, il convient d'observer que, dans la mesure où elle n'arrive pas, faute de moyens efficaces de régulation collective internationale, à se développer sur le plan collectif au profit de l'humanité toute entière, étant restreinte, par ses modes actuels de gestion, au seul profit de quelques uns, "L'Action" de l'homme, le conduit indubitablement à sa perte, par la paupérisation accélérée du monde, y compris occidental, la raréfaction des ressources, l'épuisement écologique de la planète, la raréfaction de plus en plus sensible des marchés solvables.
Il est constant d'observer que la complexification des organisations a eu pour effet une dilution totale des responsabilités ; la notion juridique de "Société Anonyme" en est un modèle criant pour qui veut bien s'y intéresser : qui commande, les actionnaires (pas les petits épargnants, bien évidemment), les équipes dirigeantes ? Lorsque l'on prend conscience du pouvoir qu'elles sont en train d'acquérir, de l'absence de contre-pouvoir institutionnel et de système de régulation, il faut être bien niais pour feindre la surprise face aux actions de terrorisme qui ont nourri l'actualité récente alors qu'elles ne sont que le révélateur des conséquences du pillage des ressources des pays, sans contrepartie pour les populations, donnant ainsi naissance à des mouvements de révolte savamment canalisés et orchestrés par des organisations aussi peu scrupuleuses que celles qui les pillent.