40 - Liberté & Passion -
La passion de la Liberté fait-elle le malheur de l'homme ?
I – DE LA PASSION -
Étymologiquement, le mot "Passion" vient du grec "pathos", qui désigne ce que l’individu subit par opposition à l'Action, plus précisément, tout ce que le corps fait subir à l’âme ; il s’agit alors d’une émotion, souvent intense et incontrôlée, qui vous envahit ; elle se présente ainsi comme une émotion créant la dépendance, stimulée par un agent externe, inhibant l’usage de la volonté ou de la raison quant à la définition d’une conduite rationnelle.
Mais le mot "Passion" possède également une racine latine "passio" qui définit un état de souffrance physique. Ce terme est très présent dans la pensée chrétienne, puisqu’il désigne la Souffrance du Christ acceptée en sacrifice.
Enfin, pour certains, la "Passion" désigne "une tendance d'une certaine durée assez puissante pour dominer la vie de l'esprit". La passion amoureuse en est l'illustration, mais dans ce contexte, elle s'apparente à une addiction.
Les stoïciens donnent à cet état la valeur d'un trouble, d’un déséquilibre ; du fait de son caractère irraisonné, la passion s'oppose à la sagesse ; l'emportement qui en résulte va a contrario de la raison philosophique.
Platon estime également que la passion ne peut être qu'à l'origine d'erreurs, de mensonges ou d’illusions, constructions du conscient victime de son inconscient.
Pour Descartes, l'âme du passionné est asservie par le corps.
Enfin, Kant également, dénonce la passion en ce qu’elle constitue une "maladie" qui annihile notre volonté en assujettissant l'homme.
Si le christianisme rejoint les stoïciens pour reconnaître que la passion amoureuse est dangereuse car elle nous détourne de nos vrais devoirs et nous prépare à de terribles souffrances, il valorise cependant un amour transcendantal pour Dieu, amour que l’on trouve dans l’action de moines {moine = monos = seul}, la sagesse et la passion ne pouvant alors s'épanouir que dans la solitude.
En raison de son caractère incontrôlé, la passion conduit à une attitude irraisonnée, pouvant conduire la personne qui en est victime à en perdre sa liberté…
II – DE LA LIBERTÉ -
Il est possible de reconnaître au moins trois sens à ce terme.
. "La liberté", dans le libre arbitre, qui est la faculté de se déterminer soi-même dans son action, sans être dirigé dans son choix par une quelconque cause déterminante.
"La liberté", dans la spontanéité, qui s'oppose et au déterminisme et à la contrainte ; elle exprime la capacité de choix sans contrainte extérieure.
"La liberté" de la raison, qui s'oppose à la passion, qui est la faculté de se déterminer soi-même à la seule lumière de la raison.
Exercer son libre arbitre n'est pas nécessairement exercer sa liberté ; inversement exercer sa liberté exige d'exercer son libre arbitre ; "La liberté" ne saurait être l'affirmation de sa propre nature, à la recherche spontanée d’une certaine forme de bonheur.
La aussi, "La liberté" définit la faculté d'être soi-même si elle parvient à s'opposer à toutes les entraves qui font obstacle à l’épanouissement de l’individu …
III – LE DÉTERMINISME -
Quels sont ces obstacles ?
Ce sont principalement les influences auxquelles est soumis l’individu dans son action :
- les influences chimiques, résultant d’une stimulation exogène déclenchant une sécrétion hormonale à l'origine d'un comportement adapté ;
- les influences éducatives, acquises dès la plus tendre enfance, qui vont inhiber certains comportements, réprimés par la morale, ou induire des comportements adaptés à la vie en société ;
- les influences sociales, à la suite des précédentes, imposées par la société humaine, en vue de préserver la liberté d'autrui ;
- les influences du vécu, c’est l’expérience de la vie qui a défini certains types de comportement chez chacun ;
- les influences de l’inconscient, ensemble des comportements psychiques qui échappent à la conscience ; dans la théorie psychanalytique, l'inconscient est le siège de toutes les pulsions et désirs refoulés, qui peuvent influencer nos actes et donc notre liberté ;
- les influences génétiques, ensemble des traits, notamment de caractère de chacun, déterminés par les gènes ; ce déterminisme génétique pourrait justifier un certain fatalisme.
A la lumière de ces influences, "La liberté" se réduit à une capacité de choix réfléchi, non contraint par nos penchants ; cette "Liberté" s'oppose alors à la "Spontanéité".
IV – DE LA PASSION & DE LA LIBERTÉ -
Il résulte de tout ce qui vient d’être exposé, que le passionné n’est pas libre, la passion étant un élément subi, sous la contrainte d’un élément extérieur, inhibant la volonté et la raison de l’individu.
S’il n’est pas de passion sans désir, en devenant ainsi exclusif, le désir devient passionnel.
La tradition philosophique s'est souvent opposée à la passion vue comme un esclavage consenti ; les Épicuriens ont fait l'éloge de "l’Ataraxie" (tranquillité de l’âme résultant de la modération et de l’harmonie de l’existence), et les Stoïciens de "l’Apathie" (au sens étymologique, absence de sentiment, indifférence), ces 2 notions voisines désignant un état qui n'est ni actif, ni émotif.
Au regard de cette tranquillité intérieure, la passion retrouve ses lettres de noblesse en ce qu’elle donne à l’individu la faculté de s’élever dans la condition humaine.
Mais s’agissant d’une lutte incessante, elle ne saurait à elle-seule contribuer au malheur de l’Homme.
N’a volontairement pas été abordé ici l'aspect de "Passion de la Liberté", au sens des luttes menées au cours des siècles par les différentes civilisations, pour acquérir cette forme de "Liberté" qui est le fondement de la "Démocratie".