42 - Instruction & Éducation -
- Leur rôle dans une société démocratique -
I – LE CONTEXTE -
La démocratie nécessitant l'implication des citoyens dans l'exercice du pouvoir, l'instruction et l'éducation peuvent apparaître comme des moyens en permettant naturellement et nécessairement l'exercice.
Toutefois, s'il est constant que l'instruction et l'éducation sont nécessaires pour la construction d'une société économiquement et culturellement évoluée, certains pouvoirs, par le passé, se sont méfiés de l'école, en tant qu'outil dispensateur de cette instruction et de cette éducation, en n'en attendant que la production de citoyens et de travailleurs dociles, dotés des compétences strictement utiles à l'enrichissement économique ; cependant, l'évolution des savoirs nécessite maintenant un système éducatif, à la fois très spécialisé, donc utile à la production économique, mais aussi fournisseur de fortes compétences générales.
II – LES NOTIONS -
"La Démocratie" : ce concept renvoie aux notions développées lors d'une précédente étude (cf. 41).
"L'Instruction" peut se définir, sur un plan générique, comme la formation des esprits pour l'acquisition de connaissances structurées dans des domaines de connaissance aussi variés que possible ; instruire, c'est fournir des outils et des informations permettant de créer, de construire, de se construire ; un tel concept ne saurait se réduire à la seule transmission de connaissances, comme la fourniture de produits finis...
"L'Éducation" peut également se définir sur un plan générique, comme l'acquisition de règles et connaissances nécessaires pour faire face à des situations sociales prédéterminées, que ce soit au niveau familial, ou extérieur. Selon Jean-Claude Milner, linguiste, philosophe et essayiste français, "l'éducation est un processus par lequel le sujet est censé s'accomplir entièrement".
Ces deux derniers concepts s'imbriquent en profondeur, par leur vocation à enrichir intellectuellement et socialement les individus, à les rendre autonomes, donc libres, par la maîtrise des méthodes et connaissances nécessaires à la compréhension de leur environnement pour se mouvoir en toute liberté au sein de groupes sociaux et d'entités culturelles et économiques.
Être bien éduqué est bien évidemment différent d'être bien instruit ; l'étude de ces concepts ne peut faire l'économie des compétences des institutions chargées d'instruire et d'éduquer ; tout naturellement, la "Famille" entre en premier dans le processus ; elle est ensuite relayée par le système éducatif, sans pour autant perdre son rôle : l'assistance aux devoirs, l'exemple parental, les réflexions en commun, sont autant d'outils qui viennent compléter l'action des pédagogues.
Une synthèse intéressante est contenu dans cette formule ancienne des formateurs de ma jeunesse "faire ses humanités" ; éduquer et instruire c'est participer à l'humanisation de l'enfant, à la construction d'un Être libre.
III – INSTRUCTION & ÉDUCATION DANS UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE -
Où finit l'humanisation commence l'endoctrinement ; où finit l'éducation commence le dressage,
Éduquer, c'est fatalement se rattacher à un projet définissant un type d'homme estimé, à tort ou à raison, meilleur qu'un autre.
Il ne peut exister de transmission d'outils permettant l'accès à la liberté intellectuelle en faisant abstraction du modèle de la société dans laquelle l'individu va évoluer ; en effet, il n'y a pas de définition de ce qu'est l'humanité en dehors de la culture, i.e. sans le passage par les conceptions d'une société et d'une époque données.
A chaque régime politique correspond un système éducatif qui est l'image des grands axes d'un projet politique de société ; notre référence actuelle est-elle encore celle de l'École de la République, de l'Unité de la Nation, laïque, gratuite et obligatoire, en réaction au précédent régime monarchique et non laïque, la mission principale de ce système étant de former des citoyens éclairés ?
Il faut bien reconnaître que dans le contexte actuel d'insertion sociale et professionnelle difficiles, toute question collective est d'abord visitée sous le prisme de l'individu ou de ses intérêts particuliers, au détriment de l'intérêt général et de la cohésion sociale. Ce qui conduit invariablement à une asymétrie puisque l'instruction, outil au service de la formation de l'individu, prend le pas sur l'éducation, outil plaçant l'individu au sein de la collectivité, sans en altérer l'équilibre.
Une telle situation de repli individuel est porteuse de risques d'apparition de régimes politiques plus totalitaires ; un rééquilibrage est possible par une formation civique, une éducation aux règles de la citoyenneté démocratique, i.e. le retour à une pratique d'une instruction morale et civique, longtemps abandonnée ; dans notre société l'influence de l'école prime prime encore sur celles des autres agents sociaux que sont notamment la famille et les médias.
IV – EN CONCLUSION -
Il résulte de tout ce qui précède que "Instruction" et "Éducation", en ce qu'ils sont vecteurs de sagesse et de vertu, constituent deux piliers essentiels de l'existence et de la sauvegarde d'une société démocratique ; ils restent les seuls instruments d’émancipation collective, seule arme disponible pour comprendre et changer un monde dans lequel s'est installé un système les "formatant" en agents de consommation et "chiens de garde" d'un régime renforçant la précarité des conditions de vie et réduisant les possibilités d'accès à la richesse collective.