26 - Doute & Jalousie -
I – LE CONTEXTE -
Dans la recherche d’une définition du concept de Dieu, ont été abordées les questions relatives à la croyance et à l’ignorance, aux bienfaits et méfaits de la croyance ; après s’être interrogés sur la notion de doute, démarche inhérente à l’homme comme le précisait Aristote dans "La Métaphysique", abordons le point particulier du doute d'Autrui, mais sous l’angle particulier de la jalousie, et, bien sûr, de son corollaire, la confiance.
II – LA JALOUSIE -
20 - Définition -
La jalousie peut se définir, au sens général, comme une intense émotion empreinte de colère et de violence consécutive à la peur de perdre l’exclusivité de l’amour de l’être aimé au profit d’une autre personne, peur généralement non fondée, mais imaginée et exagérée par maints petits indices. Ce comportement conduit à la réduction du champ de liberté de l’individu suspecté.
3 critères peuvent être dégagés pour définir cette pathologie de la relation entre deux partenaires :
- la possessivité, principalement exacerbée dans la jalousie amoureuse, mais aussi présente dans les autres cas en ce qu’elle consiste en l’abandon d’une relation privilégiée ;
- l’idéalisation de l’autre, probablement liée à la mésestime de soi-même ;
- la projection de nos propres envies, désirs ou fantasmes.
Aussi, la jalousie est-elle une émotion complexe qui implique : la peur d’être abandonné, un sentiment de perte, de la colère, de l’envie, l’impression d’être trahi et humilié.
Selon le psychiatre Alain Krotenberg, chez les femmes, la jalousie révèle un comportement hystérique et dépressif tandis que, chez les hommes, elle a un caractère paranoïaque et obsessionnel, ce qui la rend plus difficilement guérissable.
Retenons cependant que la jalousie tout à fait contrôlée, exempte de caractère pathologique, exprimée avec respect, peut devenir le moteur des marques d’affection et/ou d’intérêt, nécessaire à l’enrichissement de la relation.
21 – Dynamique de la jalousie -
La jalousie se développe en général à la suite d'expériences d’abandon et de privation vécues à l’enfance déclenchées lorsque la personne jalouse sent que le partenaire de la relation en cause a tendance à s’éloigner ; dès lors les deux partenaires entrent dans une dynamique progressivement destructrice, la tentative de contrôle de l’un conduisant à l’expansion du besoin de liberté de l’autre, solution pour lui, à cet étouffement progressif.
22 – Analyse -
Les recherches en psychologie ont montré que les personnes jalouses ont souvent une faible estime d’elles-mêmes, un véritable manque de confiance ou d’amour-propre. Dans la relation amoureuse, l’incertitude touche à la capacité de séduction, et dans la relation sociale, à la dimension intellectuelle ou sociale.
Selon les psychologues, les sources de la jalousie trouvent leurs causes dans la petite enfance, dans le manque d’amour ou le fait d’être "mal aimé". L’enfant peu ou mal aimé, après s’être accroché à ses parents, selon le mécanisme de la répétition, s’accrochera à un partenaire ; et il éprouvera une terrible jalousie si celui-ci donne un peu de son attention à une autre personne ; c’est le "syndrome d’agrippement" mis en lumière par le psychanalyste hongrois Imre Hermann.
III – LA CONFIANCE -
Au sens strict, la notion de Confiance renvoie à l’idée qu’on peut se fier à quelqu’un ou à quelque chose. Le verbe confier (du latin confidere : cum, « avec » et fidere « fier ») signifie en effet que l’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui, et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi.
Cette étymologie montre les liens étroits qui existent entre la confiance, la foi, la fidélité, la confidence, le crédit et la croyance.
Depuis la Modernité, qui a sonné le glas du modèle théologico-politique qui pensait la confiance en termes de Foi en Dieu, la confiance aux autres a tendance à se réduire au mécanisme de réduction des risques, fruit d’un calcul rationnel, ignorant la composante essentielle de la confiance, qui place celui qui fait confiance dans un état de vulnérabilité et de dépendance à l’égard de son dépositaire.
Curieusement, cette notion, en tant qu’elle résulte d’une décision personnelle, renvoie à la notion de confiance en soi, car, sans confiance en soi, difficile d’avoir la capacité nécessaire à s’ouvrir aux autres pour construire un espace de partage pour l’élaboration de projets communs. En ce sens, la confiance en soi relève aussi de la capacité à créer des liens ; et, pour ce faire, il faut croire aux autres, leur faire confiance, accepter le risque de la dépendance.
Ainsi, la confiance est le moteur même des relations humaines, que ce soit, sur le plan individuel, l’amitié et l’amour, et sur le plan collectif, les rapports au travail ou les relations sociales. C’est la confiance qui rend possible le fonctionnement de la démocratie.
Mais aussi, la confiance, en ce qu’elle implique un pari sur la capacité du dépositaire, est un saut dans le vide, un passage de la confiance à la crédulité...
IV – EN CONCLUSION -
Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que douter des autres, dès lors que ce doute s’inscrit dans une dimension pathologique (la jalousie excessive), est principalement la conséquence du doute de soi-même.
Hors de cette dimension, le doute des autres se rapporte aux principales caractéristiques du doute antérieurement dégagées :
- démarche positive, en tant que fondement de l’esprit critique ;
- élément du moteur de la connaissance en tant qu’il permet de s’interroger pour remettre régulièrement en cause les certitudes, ce qui est affirmé aujourd’hui pouvant se révéler faux demain ;
- défiance naturelle à l’égard de la capacité humaine à apprécier une réalité ;
- démarche préalable nécessaire avant l’action (Descartes),
- limite en ce qui concerne la remise en cause systématique du bien-fondé des mœurs, ou des dogmes, pour le maintien de la vie sociale
- limite également en tant qu’outil, de libération des préjugés, de prise de conscience des limites et de l’ignorance humaines, et non-finalité.