~ Cercle Philosophique ~

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21 - Quest-ce que la Vérité ?

I – LE CONTEXTE -

Dans la recherche d’une définition du concept de Dieu, ont été abordées les questions relatives à la croyance et à l’ignorance, aux bienfaits et méfaits de la croyance.

Après une tentative d'approche philosophique du concept, seront exposées les difficultés à vaincre pour parvenir à définir ce qu'est la Vérité.

II – APPROCHE PHILOSOPHIQUE DU CONCEPT -

La quête de la Vérité est le but même de la philosophie ; le Vrai constitue pour Platon, avec le Beau et le Bien, une valeur absolue ; pour Descartes, ce que l'on définit couramment comme étant Vrai est ce qui n'est pas Faux, et comme Faux comme ce qui n'est pas Vrai... Mais, seuls les énoncés relatifs aux faits et choses sont susceptibles d’être vrais ou faux, et les faits et les choses, qui existent ou non.

Alors, qu’est-ce que la Vérité et comment y accéder puisqu’on ne peut la confondre avec la réalité ?

Sur le plan méthodologique on peut approcher la Vérité comme :

- un jugement conforme à l’objet représenté, ou que l’on se représente,

- un jugement non-contradictoire à cette représentation.

Son caractère universel la distingue de l’opinion, toujours particulière ou personnelle ; d’un point de vue théorique, elle s’oppose à l’erreur et à l’illusion ; au sens pratique, elle s’oppose au mensonge.

Par le raisonnement, il est possible de tenter d’atteindre la Vérité en vérifiant que l’ensemble des critères qui la définissent sont remplis :

- si la Vérité se reconnaît d’elle-même, un premier critère est l’évidence ;

- si la Vérité est masquée, ou d’approche non évidente, non révélée, elle doit être démontrée ;

- si la Vérité concerne un domaine totalement non-objectif, comme la croyance religieuse, par exemple, l’approche sceptique la fera désigner comme inaccessible.

Une autre méthodologie d’approche a été proposée, et par Descartes, et par Malebranche :

- identité entre Vérité et Réalité (Descartes),

- conformité de l’idée à la chose (Malebranche).

Saint Thomas d'Aquin a défini la Vérité comme l'adéquation de l'esprit et de la chose ; mais, l’approche de la Vérité par l’adéquation à la chose représentée est-elle satisfaisante ? La mise en œuvre pratique d’une telle définition nécessite l’existence d’une possibilité de comparaison des idées aux choses ; mais, et ce fut longuement débattu lors d’un précédent cercle, on n’a jamais affaire aux choses en elles-mêmes mais à leur représentation ! Et rien ne permet d’affirmer que ce qui existe est conforme à ce qui est perçu par l’observateur.

Les philosophes scolastiques définissent la Vérité comme un concept "transcendantal" en ce qu’elle est toujours "au-delà" {trans} de "ce qui est" {ens} ; en tant que telle, la Vérité est indéfinissable, inaccessible à la compréhension, sauf à la saisir par une intuition immédiate.

Platon estime qu’il y a une réalité vraie qui ne s’oppose pas tant à une "réalité fausse" qu’à une réalité dégradée et aux apparences qui la constituent, et ce, à raison de notre mode d’approche sensitive de la réalité du monde qui nous entoure.

Pour Aristote, la Vérité c’est la conformité de la proposition, de ce qui est dit, à la réalité ; la proposition est vraie si les faits dont elle rend compte sont tels qu’elle les décrit, et fausse si les faits sont autrement qu’elle ne les décrit.

Nietzsche a, pour sa part, abordé la notion de Vérité d’une manière tout à fait originale : "Pourquoi désirons-nous la Vérité plutôt que l’erreur ?". Pour lui, la Vérité est avant tout une valeur et, en ce sens, elle est directement dépendante des nécessités vitales.

III – DIFFICULTÉ DE DÉFINITION DU CONCEPT DE VÉRITÉ -

Ainsi qu'il avait été établi lors d’un précédent exercice de réflexion, alors même que tous mes jugements seraient faux, il est cependant une seule chose dont je ne peux pas douter : pour se tromper, il faut être ; mais comme "Je pense, (...) je suis" cette proposition est nécessairement vraie ; et cette intuition devient un modèle de la Vérité : il ne s'agit plus alors de comparer mes idées aux choses, ce qui est impossible, mais mes idées à cette intuition certaine, le cogito (de Descartes) ; et, toute idée qui est aussi claire et distincte que le cogito, est nécessairement vraie.

Des scientifiques, tels Galilée, Torricelli ou Stahl, formés à l’école de la Raison, en vinrent à l’évidence que la raison ne voit que ce qu’elle produit elle-même, d’après ses propres plans ; c’est bien pourquoi Kant critiquait la Raison pure, rejetant la théorie empiriste de Hume selon laquelle les principes rationnels de la connaissance ne seraient que des habitudes imprimées en nous par la répétition d’expériences similaires. Il faut selon Kant distinguer la matière des choses connues de la forme que confère à l’esprit cette connaissance, forme a priori en ce qu’elle précède toute expérience. Et l’esprit, bien loin de recevoir passivement les choses, leur impose une forme, une loi qui est la sienne : ainsi, par exemple, temps et espace ne sont pas des propriétés du monde mais des formes de la sensibilité...

On en revient à l’idée que ce que nous connaissons n’est jamais la chose en soi, indépendante de l’esprit, mais les phénomènes, i.e. la manière dont elle nous apparaît.

Il existe donc une notion relative de la connaissance ; tel est le sens de la révolution copernicienne opérée par Kant, puisque la connaissance ne se fonde pas dans l’objet mais dans le sujet.

Certes, ce relativisme n’est pas suffisant pour remettre en cause les lois universelles et scientifiques ; mais la Vérité ne repose pas dans la matière de la connaissance (adéquation à la réalité) mais dans l’universalité de la forme de la connaissance.

Si la réalité sensible a le plus souvent été considérée en philosophie comme le domaine de l’illusion, de l’apparence, de l’erreur, c’est parce que cette réalité était fuyante, mouvante, changeante, qu’elle dépossède l’homme de sa maîtrise sur lui-même et son environnement. Au contraire, les catégories de l’être, de l’identité, de la substance, du durable, permettent à l’homme de reconnaître parmi le divers (le chaos) des sensations, des points d’appui autour desquels orienter son action. La connaissance consiste ainsi à ramener le nouveau, le différent, à du déjà connu. Mais ceci dévoile que la recherche de la Vérité est en réalité une entreprise de falsification du réel consistant à gommer les différences entre les choses, à nier leurs perpétuelles métamorphoses. Ce que l’on appelle Vérité n’est donc rien d’autre que l’erreur utile au développement de la Vie. De l’utilité que procurait à l’homme un certain jugement, on a, dit Nietzsche, directement conclu à sa Vérité. Or, la "réelle" Vérité, c’est celle qu’on a toujours voulu ignorer, la Vérité du devenir, de l’éternel écoulement des choses qu’évoquait Héraclite, i.e. la Vérité du monde sensible.

A ce stade du raisonnement l’approche de Nietzsche est intéressante car, si la réalité sensible a le plus souvent été considérée en philosophie comme le domaine de l’illusion, de l’apparence, de l’erreur, c’est parce que cette réalité était fuyante, mouvante, changeante, qu’elle dépossédait l’individu pensant de sa maîtrise sur lui-même et son environnement. Pourtant, ce qui caractérise l’individu, son être, son identité, sa substance, sa durée, lui permet de se situer dans le chaos qui l’environne, d’y capter des sensations, d’y établir des points d’appui autour desquels orienter son action, dans le but, pour survivre, de rapporter tout élément nouveau à ce qui est connu.

Ainsi :

- la recherche systématique de la Vérité ne serait-elle pas une entreprise de falsification du réel consistant à gommer les différences entre les choses, à nier leurs perpétuelles métamorphoses ?

- Ce qu’on appelle Vérité ne serait-il rien d’autre que l’erreur utile au développement de la Vie ?

"De l’utilité que procurait à l’homme un certain jugement, on a directement conclu à sa vérité" dit Nietzsche.

Or, la Vérité vraie c’est celle qu’on a toujours voulu ignorer, la Vérité du devenir, de l’éternel écoulement des choses qu’évoquait Héraclite, c’est-à-dire la Vérité du monde sensible.

IV – EN CONCLUSION -

Bergson estime que l’intelligence, en tant qu’elle est fondée sur l’activité première de la fabrication d’outils, donc sur la manipulation d’une matière inerte, passive, méconnaît le réel en tant que celui-ci se définit par sa mobilité. Seule l’intuition peut, par sympathie, pénétrer dans l’intimité, l’intériorité des choses.

Pour Husserl, la conscience est toujours conscience de quelque chose, elle tend vers autre chose qu’elle. L’intuition phénoménologique ne donne pas l’idée de la chose mais la chose elle-même.

Qu’à cette panoplie d’outils logiques soit ajoutés ceux qui font de nous des êtres sensibles... alors nous accéderons au parvis de la Vérité.



19/01/2017

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