62 - Hommes & Robots -
~ QUE FERONT LES HOMMES QUAND LES ROBOTS FERONT LE TRAVAIL ? ~
Après avoir posé quelques définitions et concepts relatifs à l'étude du mouvement transhumaniste, abordons à présent l'éventualité pour l'homme d'être supplanté par le robot en examinant la question "que feront les hommes quand les robots feront le travail ?".
I – DÉFINITIONS -
Le mot "robot", inventé par l’auteur tchèque Karel Capek, vient du terme slave "robota" qui signifie souffrance !
Qu'est-ce qu'un robot : selon Catherine Simon, présidente de la société Innorobo qui se définit comme un "trait d'union entre tous les acteurs de l'écosystème robotique transversal et international contribuant à accélérer la mise sur le marché des innovations technologiques touchant à la robotique", un robot est un système doté :
- de capteurs pour collecter des données,
- d'un processeur pour les analyser,
- d'actionneurs qui permettent une action sur le monde physique.
Ainsi, un robot n'est pas une machine comme les autres car, pour la première fois dans l'histoire, on a commencé à désigner comme intelligent un mécanisme construit par l'homme.
Les robots inquiètent parce que, de plus en plus, ils nous "ressemblent" mais surtout, s’avèrent plus fiables et efficaces que nous dans la réalisation de certaines tâches ; en d'autres termes, notre relation à la machine devient problématique puisqu'elle devient soumission.
II – LES LIMITES -
Une première question se pose, lorsque l'on cherche à cerner le domaine de réflexion : jusqu'où l'évolution technologique va-t-elle être capable de se substituer aux performances de l'être humain ?
L’homme est perfectible dans la mesure où il est défini essentiellement comme un être en puissance, en évolution, non en acte ; par opposition à la machine qui ne peut être différente de ce pour quoi elle a été conçue, l’homme est un être en devenir.
Certes, mais depuis peu, les machines apprennent ce qui laisserait penser qu'elles sont dotées "d'intelligence" que l'on appelle par pudeur humaine "artificielle" ; mais la recherche en intelligence artificielle est aujourd’hui morcelée, centrée sur la résolutions de fonctions particulières, même si les résultats obtenus sont tout à fait extraordinaires. Si la machine AlphaGo de Google a vaincu Lee Sedol le meilleur joueur de Go, ce n'est qu'au jeu de Go, alors que Lee Sedol a, lui, une vie qui ne se résout pas à de complexes parties de Go. Et le robot "tout en un" n’est pas encore là, ce qui n'est d’ailleurs pas l’objectif de l’industrie à ce jour ; ses robots sont conçus pour aider et accompagner l’homme sur des tâches spécifiques, avec une productivité autre, des conditions d'exercice sans commune mesure avec celle de l'homme.
Prenons en exemple NAO ce robot des maisons de retraite, doté de caractéristiques humaines : il parle, sait "tenir" une conversation, reconnaît les personnes, mémorise les prénoms, se déplace, avec une apparence fortement humaine. Mais NAO a-t-il des ressentis comme l'amour, la douleur, l'envie, la faim, l'angoisse, l'empathie, tous éléments présents dans l'échange humain dans la tenue d'une conversation...
Faut-il s'en émerveiller ou s'en inquiéter ? Comme toujours, les deux. Les frontières entre l'homme et la machine sont vitales, et les risques de confusion, de porosité des séparations entre les hommes et les machines, de défaut de distinction, pourraient à terme se retourner contre les hommes qui, par définition, sont faibles, fragiles, plus dirigés par les émotions que par l'intelligence, se fatiguent vite, conscients de leurs droits (parfois moins de leurs devoirs), qui ont des besoins, veulent un salaire, des loisirs, des équipements administratifs et sociaux...
En ce qui concerne l'examen de la seule aptitude des deux entités (homme-machine), la limite se trouve dans la réponse à la question : quel travail fait par l'homme pourrait ne pas être fait par un robot ?
En effet, il convient de méditer sur cet aphorisme selon lequel, si un travail humain peut être réalisé par un robot, ce que l'humain fait un travail de robot !
Il est clair que notre niveau d'évolution en est à un stade où l'homme est encore utile pour concevoir les logiciels et contrôler les robots, qui sont très utiles, hier dans le domaine industriel, aujourd'hui de plus en plus dans le domaine tertiaire (des services). A mon sens, l'optimisme provient de ce se que les plus pessimistes imaginent que la machine deviendra consciente alors que nous ne sommes pas encore capable d’expliquer ce qu’est la conscience !
Autre question : comme l'évoquait Nietzsche : l'homme moderne est-il tellement fatigué de lui-même, de l'idée qu'il se fait de son humanisme, qu'il en vient à accepter une vaste délégation d'humanité au profit des robots, comme l'adoption d'une famille infinie de NAO pour vaincre la solitude et l'isolement relationnel ?
III – L'APPROCHE SOCIALE & ÉCONOMIQUE -
Avant d'examiner les occupations futures de l'homme dans un monde de robots, le champ de réflexion peut encore être élargi à l'examen des conséquences sociales & économiques de la substitution de l'homme par le robot.
Le moteur sous-jacent de la mise sur le marché de ces outils est la rentabilité financière, le profit, seul carburant de nos sociétés de capitaux, en quelqu'endroit de la planète qu'elles se situent puisque, par définition, elles n'ont aucune frontière, ne s'en servant que pour contourner les fragiles édifices juridiques édifiés à grand peine par ces vieilles structures obsolètes – vues du monde du profit – que sont les États...
S'il est certain que la recherche ne connaît pas de limites sur le plan de la créativité intellectuelle, il n'en est pas de même sur le plan financier. L'investisseur qui décide de soutenir un projet de recherche n'en attend que rentabilité, donc profit - certes utile pour rémunérer le risque, de plus en plus élevé, de ces gigantesques investissements -, comme si science sans conscience n'était pas ruine de l'âme... (Rabelais, pour la bonne éducation de Gargantua, dans Pantagruel : La sagesse ne peut pas entrer dans un esprit méchant, et science sans conscience n'est que ruine de l'âme).
Jusqu'à plus ample informé, le profit provient du bénéfice tiré de la vente de biens et services ainsi produits, l'achat étant l'acte, non du robot, mais de l'homme, qui, par ailleurs, tire la majeure partie des revenus destinés à ces actes consuméristes de son activité salariée. Qui a déjà vu des files d'attente de robots devant les magasins avant l'ouverture les jours de soldes ? Voilà un spectacle de nature à occuper l'homme privé de son travail !
Remplacer le salarié par le robot ne permettra la survie de l'actuel système économique mondial que si une substitution est envisagée pour faire survivre cet acteur, qu'est le consommateur, en le dotant des ressources nécessaires à l'accomplissement de sa fonction consumériste nécessaire au fonctionnement du système économique - par ailleurs créateur et utilisateur de robots pour produire toujours plus à un coût toujours moindre ; en d'autres termes il s'agira de trouver un système de création de richesses pour les individus reposant sur une autre valeur que le travail.
Ainsi c’est la définition même du travail, et le sens qu’on lui donne, qui vole en éclats au contact de la robotique ; pour Jean-Baptiste de Foucauld, coordinateur du "Pacte Civique" (mouvement qui se donne pour objectif de définir une approche nouvelle du changement afin de construire un futur désirable par tous, dont la démarche repose sur les valeurs qie sp,t la créativité, la sobriété, la justice et la fraternité), le travail est ce qui « sert aux autres et à la société » ; pour le philosophe Bernard Stiegler, qui se consacre à l'observation et à l'étude des enjeux des mutations actuelles : "le travail, c’est ce qu’on fait pour aller bien".
IV – EN CONCLUSION -
Nous sommes probablement à l'aube d'une révolution dans notre manière de penser la société. Mais, pour réussir la transformation annoncée, il est nécessaire avant tout repenser les rapports de force entre capital et travail, de redéfinir les rôles et contours de l’actionnariat, de la consommation et de la fiscalité ; sans quoi nous risquerions de nous retrouver dans une société sans travail et sans emploi. Voilà de quoi occuper les hommes de bonne volonté pendant que les robots font le travail.
Quant à ceux qui craignent les robots, il convient de rester optimistes : si on peut croire qu'une armée de robots dotés d'une immense intelligence artificielle pourrait potentiellement nous "détruire", à y regarder de plus près, une simple disparition de l'électricité (leur énergie frumentaire), et notre monde reculera de 3 siècles.
N'omettons pas alors d'inclure dans nos réflexion ce que va devenir notre monde lorsqu'il aura achevé de dématérialiser nos connaissance, mais que nous n'aurons plus d'outils pour y accéder !
La construction d'arches de Noé pourrait également être une manière d'occuper les hommes...