~ Cercle Philosophique ~

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52 - Mémoire & Histoire -

I – SE SOUVENIR -

Histoire & Mémoire: seront volontiers ignorés les mérites mnémoniques nécessaires à la rétention de ces petites histoires drôles - pour les plus racontables - utiles pour agrémenter les monotones soirées d'hiver de nos contemporains qui n'ont pas encore découvert les bienfaits salutaires de la préparation de travaux nécessaires à la nourriture de la réflexion philosophique - "car le contraire du rire, ce n'est pas le sérieux, mais la réalité" {Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831)} - pour recentrer plus sérieusement ces quelques idées sur les nécessités de la conservation (car c'est une mise en boîte), pour chacun de nous, de l'Histoire des faits, ce que l'on qualifie maintenant trop souvent, mais de manière abusive, de "devoir de Mémoire", cette expression, apparue dans les années 1990 au sujet de la Seconde Guerre mondiale, notamment de la "Shoah" (mot hébreu signifiant "catastrophe", utilisé pour l'extermination massive des juifs par le régime nazi) se limitant à l'obligation morale, érigée en principe de droit international, de se souvenir d'un événement historique tragique et de ses victimes, afin de faire en sorte qu'un événement de ce type ne se reproduise pas.

. Sur le plan personnel, "Se Souvenir", par opposition à "Oublier", c'est mettre en œuvre la mémoire, comme phénomène individuel de rétention du Passé dans le Présent, pour entretenir un rapport intentionnel et conscient au Passé ; il en résulte que la notion de "Souvenir" revêt ainsi deux dimensions étroitement liées :

- un acte de conservation de la représentation de l'événement passé,

- un acte d'actualisation de cette représentation.

. Sur le plan collectif, "Le Souvenir" est une condition nécessaire de la connaissance historique et du jugement mémoriel, comme exigence éthique et identitaire, la célébration "la commémoration" des événements historiques fondateurs d'une Nation invitant à se pencher sur la mémoire collective, créatrice de conscience de groupe et d'obligation morale. Mais, parce que la commémoration joue avant tout sur l'émotion, le sentiment de partage et d'adhésion - car c'est sa fonction propre que de créer la communauté en liant les affects avec la signification -, une méfiance à son égard s'est emparée des générations post-1945 à raison des abus commis en ce sens par les régimes totalitaires. En contrepartie, l'évolution des sciences, y compris humaines, et des technologies en résultant, ont heureusement pris le relais de cette forme toujours regardée comme archaïsante de transmission et d'élaboration du passé.

Ce devoir de "Souvenir", se présente à la conscience collective sous la forme d'un impératif catégorique, qui dépasse l'individu, en ce qu'il s'adresse à tous ; l'oublier, c'est effacer, et de sa mémoire, mais aussi de sa conscience, l'héritage de l'Histoire transmis par les générations qui nous ont précédés, et qu'il nous appartient également de transmettre, sous peine de tuer le Corps social, en détruisant les rapports et obligations de solidarité qui en fondent sa structure.

II – L'HISTOIRE -

Le passé, par définition, c'est ce qui n'est plus et ne peut plus revenir... (cf. cependant la conclusion du présent travail...). Et pourtant, chacun sait que le passé c'est ce qui éclaire le présent, au moyen de la mémoire à laquelle il incombe notamment de ramener le passé à l'existence et au présent.

L'histoire, c'est aussi la conscience immédiate, spontanée et subjective, du récit des événements des témoins directs ou non d'une époque, ainsi passés à la postérité, et qui peuvent permettre de comprendre comment les hommes les ont vécus.

Le travail de l'historien consiste à reconstruire le passé pour le faire revivre en pensée, par l'écrit, l'image et le son, pour permettre d'en tirer des leçons tant morales que normatives.

Mais, comme l'écrivait ce bon mais redoutable propriétaire du château de Ferney (F-01, aujourd'hui Ferney-Voltaire) : "lorsque vous écrivez l'histoire, on vous reproche ce que vous avez écrit comme ce que vous n'avez pas dit !"

Anatole France, pour sa part, s'interrogeait de savoir s'il existe une histoire impartiale : certes l'histoire est la représentation des événements passés, mais qu'est-ce qu'un événement ? Comment choisir un événement parmi tous ceux qui se sont déroulés à un moment donné ? Comment définir avec pertinence le caractère notable dudit événement ?

Il s'agit-là d'un phénomène d'une infinie complexité car, la sélection du fait événementiel effectuée, il importe ensuite de l'inclure dans une construction plus compliquée de représentation du passé !

L'historien, à supposer même qu'il disposerait de tous les documents nécessaires à cette fin, se trouve tributaire des enjeux idéologiques, des systèmes de valeurs, des représentations de la Société, car il n'existe pas d'histoire objective, impartiale, qui en permettrait une reconstruction véridique, alors même que ledit historien disposerait aussi de la distance critique nécessaire à l'analyse des faits et phénomènes observés.

L'orientation actuelle de la recherche historique vise toutefois à tenter de créer une "Vérité historique" qui soit une connaissance scientifiquement élaborée du passé en vue de fabriquer de la mémoire, de permettre des jugements de valeurs, de transmettre des idées...

Et, de même que nos souvenirs nous permettent d'exister individuellement, la construction d'une conscience collective est indispensable au fonctionnement des États ; le simple regard posé sur la désorganisation collective, née de la mondialisation forcée et du mélange des cultures, en ce qu'elle pousse certains au repli identitaire, devrait conduire à réfléchir sur ce besoin indispensable de l'Humanité d'avoir une Histoire qui renvoie à une mémoire partagée, i.e. à une conscience identitaire collective, fruit d'un long travail de résilience, qui donne du sens au vécu quotidien de chacun.

A ce niveau du raisonnement, l'Histoire ne consiste pas seulement en un travail de reconstruction du passé, mais à sa contribution en vue de fournir à la mémoire de chacun les souvenirs nécessaires pour façonner son identité, tant individuelle que collective, afin de trouver un sens à sa vie.

III – LA MÉMOIRE & L'HISTOIRE -

Pour l'historien Pierre Nora, "parce qu'elle est affective et magique, la mémoire ne s'accommode que des détails qui la confortent ; elle se nourrit de souvenirs flous, télescopants, globaux ou flottants, particuliers ou symboliques, sensibles à tous les transports, écrans, censures ou projections. L'histoire, parce qu'opération intellectuelle, appelle analyse et discours critique..." {dans "Les Lieux de mémoire", sous la direction de}.

Et pourtant, au-delà de ces limites de la mémoire humaine, de la neutralité impossible de l'histoire (le matériau de l'historien n'est que création humaine, donc interprétation, et l'infini variété des faits et événements le conduit à effectuer des choix), le devoir de "Souvenir", même en dehors de toute rationalité effective, est légitimement fondé sur l'attachement aux droits de chacun à vivre ensemble, à partir de règles collectives, pour relier le passé à la vie quotidienne au moyen de l'infini potentiel humain de se souvenir pour ne jamais oublier.

Pour les moins convaincus : "Un peuple qui oublie son passé, se condamne à le revivre" (Sir Winston Churchill).



19/01/2017

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