~ Cercle Philosophique ~

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30 - Plaisir & Bonheur -

I – LE CONTEXTE -

10 – Le Bonheur -

"Le Bonheur" est souvent posé comme une fin suprême de l'existence humaine, le moteur sous-jacent de toutes nos actions ; mais, est-il possible d'atteindre une telle fin, ou ne s'agit-il pas seulement d'un idéal inaccessible, voire un "optimum fantasmé" ?

"Le Bonheur", selon le philosophe grec Aristote (-684-322), est une "Fin parfaite" en ce qu'il est "toujours désirable en soi-même et ne l'est jamais en vue d'une autre chose" ; il n'est ni un instrument, ni un moyen, mais uniquement une fin ; tout ce que nous choisissons l'est en vue de parvenir à une fin, sauf "Le Bonheur", qui est une fin en soi, la chose la plus désirable de toute, seule capable d'apaiser le désir.

Si pour Aristote, "le Bonheur" est désirable, pour Platon (ca. -428-ca. -348), le désir est un manque, alors que "Le Bonheur" est d'un contenu indéterminé... Sur ce plan d'analyse, "Le Bonheur" est-il une réalisation de tous les désirs ou plus simplement la disparition des troubles liés au désir ?

Pour les Épicuriens, seule la "Vie de Plaisir" peut conduire à la tranquillité de l'âme en laquelle consiste "Le Bonheur" ; si le plaisir est essentiel au bonheur, certains désirs amènent plus de troubles que de réjouissances : il faudra les écarter, et se contenter des désirs naturels et nécessaires, parce qu'ils sont source de plaisir et faciles à satisfaire.

Pour les Stoïciens, "Le Bonheur" ne saurait être durable s'il dépend des circonstances extérieures : une discipline de la volonté est nécessaire pour qu'il ne dépende que de l'individu et non des caprices de la fortune.

Pour le Christianisme, "Le Bonheur" terrestre est une chose trop fragile et illusoire, le seul bonheur parfait, la seule béatitude, est celui que promet le Royaume de Dieu ; ainsi, n'est heureux que celui qui est moins malheureux qu'un autre, lorsqu'il est moins accablé par la misère, "Le Bonheur" se réduisant ainsi à une simple consolation, dangereuse en ce qu'elle risque d'attacher celui qui en goûte à cette vie terrestre marquée du sceau de l'injustice et de la souffrance. Ainsi, pour le dominicain Saint Thomas d'Aquin (1225-1274) : "Le bonheur est notre désir unique et dernier. Mais aucun bien terrestre ne peut apaiser ce désir car tout ce qui est terrestre est au-dessous de l'esprit humain. Seul Dieu est Celui qui peut apaiser le désir de l'homme et le rendre heureux, car par son entendement l'esprit humain connaît et par sa volonté il désire le Bien universel (i. le bien infini), mais c'est en Dieu seul que l'homme trouve le Bien universel".

Selon Emmanuel Kant (1724-1804), nous sommes dans l'impossibilité de définir "Le Bonheur" par lui-même : il est l'état maximal de satisfaction.

Enfin, l’étymologie du mot "Bonheur" {du latin "bonum augurium" = bon augure} est trompeuse en ce qu'elle le confine au domaine de la chance, du hasard, au don de la fortune, qui peut ainsi échoir autant au Méchant qu’au Bon, et renvoie à des expressions du genre "au petit bonheur la chance". Or, le bonheur se conquiert par l’effort, par nos actions, notre volonté ; nous en sommes responsables.

11 – Le Plaisir -

"Le Plaisir" pour sa part peut se définir comme une expérience agréable, liée à des sensations, tant physiques que psychiques ; c'est une satisfaction qui a lieu dans l'instant, donc éphémère, et qui est partielle en ce qu'elle peut coexister avec la douleur, soit qu'elle la précède ou la suit.

"Le Plaisir" se trouve dans un désir, une envie, autant que dans la satisfaction de ceux-ci.

Cette notion de "Plaisir" renvoie souvent à tort à l'épicurisme, bien que ce dernier ne se réduise pas à celle seule notion puisqu'elle définit une morale, i.e. un corpus de recommandations à suivre pour être heureux, règles d'ailleurs basées sur une vision très minimaliste du "Plaisir" réduit à la seule satisfaction des besoins strictement nécessaires. En effet, selon Épicure : "Quand nous disons que le plaisir est notre but ultime, nous n'entendons pas par là les débauchés ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle".

Pour Aristote, le Plaisir réside dans l'acte ; pour Pascal (1623-1662) : "L'Homme est né pour le Plaisir, il le sent, il n'en veut point de preuve" ; pour Leibniz (1646-1716), "Le Plaisir" est un sentiment de perfection, alors que pour Nietzsche, "Le Plaisir" est la sensation d'accroissement de la puissance.

Dans la mesure où "Le Plaisir" résulte de la sensibilité, il a pour contraire "la Douleur" ; et, puisqu'ils relèvent l'un et l'autre du domaine sensitif ou affectif, ils peuvent se produire sans que nous intervenions nécessairement, ou que nous puissions les empêcher de naître, bien qu'ils soient la conséquence nécessaire d'un événement antérieur ; comme tout ce qui est sensible est relatif, leur intensité est ainsi modulable d'un individu à l'autre, d'un moment à l'autre, d'un événement à l'autre.

Enfin, pour certains philosophes, comme Platon ou Schopenhauer, "Le Plaisir" ne consiste qu'en une absence de "Douleur".

II – PLAISIR & BONHEUR -

Si "Le Plaisir" résulte d'une stimulation positive des sens, "Le Bonheur" est totalement intérieur.

"Le Bonheur" consiste-t-il à faire tout ce qui nous fait plaisir ? Peut-il se réduire à une quête infinie de plaisirs épars et incertains ? "Le Bonheur" c'est aussi la satisfaction du devoir, l'accomplissement du bien, l'acquisition de la connaissance, la contemplation esthétique, ...

Tous les "Plaisirs" ne sont pas susceptibles de nous rendre heureux ; intervient ici la notion de "sens moral", entre ce qui est agréable et ce qui est bon, ce qui est susceptible de provoquer le bien de l'un et le malheur de l'autre ; en d'autres termes, distinguer, entre "faire le bien" et "faire ce qui me plaît", car tous les "Plaisirs"ne sont pas bons, certains étant nuisibles, tant aux autres qu'à soi-même, autant à son corps qu'à son esprit ; ces limites peuvent également se définir en termes de "Passion" et de "Raison" ; la recherche du "Plaisir" passe aussi par la réflexion sur la nature de ce qui fait plaisir, pour faire intervenir la "Tempérance" nécessaire à l'appréciation des effets de ce "Plaisir" ; il ne saurait ainsi y avoir de "Bonheur" dans l'immédiateté irréfléchie du "Plaisir".

Il convient également de souligner le caractère indéterminé du "Plaisir", lié à la nature culturelle et spirituelle de l'homme, capable d'éprouver du plaisir dans l'expression de désirs les plus étranges...

Le "Plaisir" ne conduira au "Bonheur" que si une harmonie s'établit entre l'individu, en quête de Bonheur, et son environnement.

Enfin, pour que le "Bonheur" soit associé au "Plaisir", il importe que le "Plaisir" puisse durer, car à la notion de "Bonheur" est sous-jacente celle d'Éternité.

III – EN CONCLUSION -

"Le Plaisir", s'il est une condition nécessaire au "Bonheur" n'en est pas pour autant une condition suffisante ; car "Le Plaisir" sans "Bonheur" peut exister, alors que le Bonheur sans "Plaisir" n'est gère possible, même si le Bonheur durable ne résulte pas de la satisfaction de tous ses besoins.

Il ne saurait être mis fin à ces quelques mots sans une note d'humour, due à Jules Barbey D'aurevilly (1808-1889), ce nouvelliste, romancier, critique et journaliste, qui a passé son temps à déranger son époque : "Le Plaisir est le Bonheur des fous ; le Bonheur est le Plaisir des sages".



22/01/2017

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